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03.07.2007

Café Philo Média

samedi 30 juin à partir de 17 heures 30
Café Philo Média
" Notre vie avec la Télé "
Café Larbaud  Rue Nicolas Larbaud Vichy
 
 
Vivre avec la Télévision

Intervention  de Ursula Houziaux

D’entrée de sujet il faudrait avant tout trouver une réponse à la question de ce que peut signifier « vivre » ? Mais je vais vous épargner un si vaste détour.

Supposons donc que « vivre » signifie être en état d’échange – en métabolisme – permanent. Cet état d’échange peut être d’ordre biochimique ou intellectuel. Ca ne fait aucune différence en occurrence.

Supposons en complément que la Télévision est un phénomène sociétal : un phénomène de société dont l’importance s’accroît proportionnellement au temps inoccupé par des taches de nécessité ou existentielles de chaque individu.

Cette approche permet de comprendre pourquoi les médias- en particulier la Télévision-

Jouent un rôle si important dans les sociétés occidentales.

Pour parler avec Peter Sloterdijk le défi de notre monde contemporain consiste à définir une place acceptable à «  l’homme inutile » ; à ces êtres dont l’existence n’est plus constituante de notre société. Ceux que la société fait vivre en leur transférant les subsides nécessaires à leur survie sans intégration dans les processus productifs propre à la construction de cette même société.

Bernard Stiegler estime que l’enjeu actuel pour l’humanité se définit dans son rapport avec le mort : c'est-à-dire avec les constituantes techniques de plus en plus indispensable dans notre concept de vie.

Pour lui la question à résoudre est : comment vivre avec l’artefact. Penser le rapport possible et acceptable du vivant en relation avec l’artificiel et dans l’artificiel.

De son côté Alain Finkelkraut s’interroge en quoi il est encore possible de parler de humanité dans un monde ou les nouvelles technologies comme le téléphone portable et Internet annihilent la notion même de l’existence de l’autre : Les Êtres «  n’ont plus droit ni à la curiosité, ni à la considération, ni même à l’indifférence. Le néant est l’étrange destin de ces hommes invisibles ».

Dans ce contexte Marie-José Mondzain diagnostique : « La pathologie majeure de nos sociétés est un mal d’images. Nous subissons par la voie spectaculaire une véritable maltraitance à l’égard de notre capacité imageante alors que la construction de soi passe par l’image de soi et celles des autres. Privé de sa propre image, n’importe qui se retrouve menacé d’autisme. Changer le monde, c’est réinventer sans cesse les modes de préservation de notre puissance symbolique, cette `capacité d’images’  »… »La marchandisation du visible signe l’arrêt de mort de l’image ».

Selon elle, la convivialité est le seul remède possible. Le temps que nous partageons avec les autres est de l’ordre du bien suprême. « Ce que nous léguons, ce que nous adressons, c’est la qualité de cette durée où se jouent dans une rencontre nos patiences et impatiences respectives. » La commensurabilité de notre réunion est, comme celle de tous les liens dans la communauté, de l’ordre du temps. Ce don de notre temps appartient à la catégorie du `Superflu’ qui « échappe aux définitions comptables et à la mesure mercantile »…

Le diagnostique de Bernard Stiegler l’amène à dénoncer des mécanismes qui « ruinent de plus en plus manifestement l’écologie symbolique des consciences ». Selon lui « si le monde de la publicité met tant d’argent dans la télévision, c’est parce que c’est efficace ».

« Et cette efficacité consiste à massifier les comportements et à organiser la perte d’individu-

ation… Ce processus de désublimation, massif et évident, mène imparablement à la démotivation… ». Il en résulte une « misère symbolique devenant misère spirituelle et intégrismes en tous genres : intégrismes religieux, économiques ou même scientifiques ».

Toutes ces réflexions peuvent être mises en perspective à l’aide de l’interrogation de Jean Baudrillard. Est-ce que la vie télévisée, la vie par écran interposée n’est pas plus souhaitable parce

Qu’elle répond à ce que nous avons envie de vivre ?

Entre plongée inconditionnelle dans la virtualité et refus catégorique du risque de manipulation où peut se situer notre propre place?

Les médias télévisés obéissent à des lois purement mercantiles et la clé de voûte de cet édifice est la publicité (voir l’article «   La Télévision – et après ? » sur ce même blog ).

Les responsables de ces médias sont parfaitement conscients qu’ils vendent aux annonceurs publicitaires «  du cerveau disponible » (dixit Mr. Lelay, PDG de FR 1 au moment où il a prononcé ces paroles), c'est-à-dire la manipulatoire du spectateur.

Et puisque la publicité vise à rendre incontournable les produits mis en publication devant le plus grand nombre possible, on peut conclure avec Bernard Stiegler, qu’elle tend à établir un « intégrisme » de consommation.

Qu’un individu abandonne la gouvernance de son action pour s’adonner à la pure consommation, serait-il condamnable pour avoir adopté l’ »intégrisme » de la consommation alors que tout l’y invite ?

Un autre qui refuse de toute sa résistance de servir de cible aux charges médiatiques en serait il louable pour autant ?

Dès lors nous devons considérer trois questions :

1.) Sommes nous conscient du fait qu’il y a volonté de manipulation ?

2.) Par qui admettons nous d’être manipulés ?

3.) Quel est notre bénéfice en contrepartie ?

En cherchant à répondre à ces questions chacun de nous se retrouve face à lui-même.

Chacun se trouve confronté à l’incontournable nécessité de plonger dans son intérieur afin d’y explorer les éléments de sa conscience. Force est de constater que tout progrès, qu’il soit technologique, scientifique ou historique, ne saurait dispenser aucun être humain de définir le domaine de ses valeurs.

C’est uniquement en fonction de ces valeurs définies consciemment et par la conscience de leur existence qu’il lui devient possible de faire un choix. S’il refuse l’effort de l’exploration de ses motivations et la définition de ses valeurs il s’interdit tout choix pour devenir proie.

Mais il est aussi envisageable que l’abandon de soi résulte d’une démarche délibéré et consentante.

Quoi qu’il en soit tout choix, à partir du moment où il y a un choix, ne peut être fait que par chacun pour lui seul.

Ursula Houziaux

 

Toutes les citations sont extrait du Hors-Série N° 14 de Beaux Arts Magazine « Vies : modes d’emploi »

 

 

 

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